Par Karine Sourisseau, Consultante senior CG2 Conseil
Le modèle uniforme basé sur le travail présentiel et l’organigramme statique d’une entreprise, principes rois de l’organisation des entreprises, est en train d’exploser.
Le confinement, la distanciation physique, les quatorzaines et le télétravail (appliqué en cette rentrée de façon variée selon les entreprises) induisent une variété de combinaisons qui rendent beaucoup plus complexe la gestion du travail qu’elle ne l’était jusqu’au début de cette année.
A cela s’oppose le fait que les entreprises étaient parfois peu préparées pour sortir des 5 jours présentiels (peu organisées ou outillées), la question du management des équipes en télétravail étant peu prise en compte.
Entre temps, des salariés ont pris gout au télétravail, d’autres non : c’est au cas par cas.
L’enjeu majeur pour les entreprises est donc d’adapter leur management tel qu’il existe en utilisant de nouvelles méthodes de gestion de personnel, de projet, de « travailler ensemble » pour arriver à maintenir des collectifs engagés et performants malgré la distance.
Et l’acteur indispensable de cette mutation s’avère être le manager qui doit maitriser un ensemble de compétences nouvelles.
Car des problématiques très concrètes demeurent maintenant que la partie intrinsèquement absorbable par l’entreprise de la mutation a déjà été réalisée tambour battant depuis le confinement.
Pour se concentrer sur les trois difficultés les plus évoquées en cette rentrée, nous citerons :
- Comment manager de nouvelles ressources ou être un nouveau manager d’une équipe existante ?
- Comment animer des projets dont les acteurs travaillent en mode mixte présentiel/télétravail ?
- Comment recréer les interactions adhoc ou discussions informelles qui favorisent la proximité et permettent de faire émerger de nouvelles idées ?
Ces trois questions se traduisent par les enjeux suivants :
Savoir donner des orientations claires, en acceptant de ne pas contrôler le futur et en se préparant à l’inattendu tout en favorisant l’émergence d’idées nouvelles
Chaque enjeu requiert des compétences et des postures variées :
# Donner des orientations claires en période de grande incertitude (nécessite de) :
la prise de hauteur (pour identifier le cap à suivre)
la pédagogie (pour l’expliquer, lui donner du sens et favoriser son adhésion par les équipes)
l’intelligence relationnelle et du sens du collectif (en cas de changement de la situation, savoir faire appel à l’intelligence du groupe pour identifier et communiquer la nouvelle trajectoire voire le nouveau cap à atteindre)
la prise de décision rapide (la réactivité face à l’imprévu devenant le « business as usal »)
#Accepter de ne pas contrôler le futur :
La confiance en ses équipes et dans sa relation avec elles (notamment en faisant preuve de transparence sur les situations rencontrées)
La confiance de la part de sa ligne hiérarchique (corrélée à la compétence précédente)
#En se préparant à l’inattendu :
savoir repérer les compétences clés de chacun de ses collaborateurs (une variété de talents pourront être mobilisés pour faire face à une multitude de situations)
la curiosité (s’intéresser à l’individu, à son savoir-être, son savoir-faire)
sens de l’écoute (le manager se retrouve en première ligne d’identification de risques psycho-sociaux)
#Tout en favorisant l’émergence d’idées nouvelles :
la capacité à repérer les opportunités (favoriser la sérendipité : adopter une posture de vigilance permettant de transformer l’inattendu en innovation)
ouvrir les échanges (via la liberté d’expression, la prise d’initiatives, la coresponsabilité et la créativité des équipes)
Nous pouvons observer que cette somme de compétences et de postures met l’accent sur l’intelligence relationnelle et collective du manager et des équipes.
Ces notions peuvent dans un premier temps être renforcées, par exemple, par l’accompagnement des managers via du coaching individuel ainsi que par l’accompagnement d’ateliers via des espaces structurés de sociabilisation numérique dans lesquels les équipes peuvent s’organiser et résoudre rapidement des problèmes de façon créative et dynamique.
En parallèle, les RH pourront être accompagnées pour mieux détecter ces « soft-skills » durant le recrutement.
Une récente étude du MIT montre que des personnes différentes sont nécessaires pour traiter des problèmes différents afin de prendre de meilleures décisions.
Une piste audacieuse à creuser serait que les entreprises s’éloignent d’une hiérarchie statique pour se tourner vers des systèmes plus aptes à changer en fonction des situations, par exemple en positionnant en dynamique le rôle de manager au sein d’une équipe selon la problématique à résoudre.