Par Alexandre Daubrosse, Consultant senior CG2 Conseil
Des projets ambitieux
Au même titre que son équivalent papier qu’il tend à remplacer progressivement, le Dossier Patient Informatisé (DPI) est l’un des moyens à disposition des professionnels de santé pour améliorer et sécuriser la qualité des soins, leur continuité et leur coordination.
En 2020, la très grande majorité des établissements de santé ont déjà mis en œuvre un projet de déploiement d’un DPI au sein de leur structure, au moins sur une partie du périmètre couvert par le dossier papier généralisé depuis les années 1970, pour répondre aux attentes des différents acteurs concernés.
Ces travaux d’informatisation, portés par les plans d’investissements nationaux visant à développer et moderniser les systèmes d’information hospitaliers qui se sont succédé depuis les années 2000, nécessitent des moyens importants et une disponibilité des équipes SI et Métiers à la hauteur des enjeux, sur une échelle de temps relativement longue.
Ces projets se déroulent également dans un cadre règlementaire complexe. Aujourd’hui, un ensemble de textes et lois dont l’un des objectifs essentiels est de protéger les données médicales du patient, encadrent son contenu, les accès et l’usage des informations qui le constituent ainsi que son archivage.
La transition d’un modèle papier vers un dossier informatisé, même favorisé par les évolutions majeures technologiques récentes, induit de profondes modifications organisationnelles qui peuvent être très complexes selon la taille des établissements. Cette situation impose alors une période de cohabitation des deux formats de dossier patient.
Il n’est pas rare de constater alors qu’au fil du temps les projets de déploiement de DPI marquent le pas : les priorités changent suite à l’apparition d’autres besoins pendant le temps du déploiement, les moyens finissent par manquer au regard des ambitions initiales, les équipes s’essoufflent et les « règles » encadrant l’utilisation du DPI se relâchent. L’intégration complète du DPI avec l’ensemble du système d’information hospitalier (SIH) se traduit souvent par un lot 2 sans cesse reprogrammé. L’informatisation complète de l’ensemble des services de soins et des spécialités devient alors un vœu pieu. La dématérialisation complète des dossiers patients reste un objectif louable mais dont il est compliqué aujourd’hui d’en fixer une échéance réaliste par les équipes concernées.
Ces difficultés remplacent l’euphorie du début et peuvent alors générer de la frustration auprès des usagers du DPI qui, certes, ne reviendraient pour rien au monde en arrière mais regrettent souvent et à juste titre de ne pas pouvoir exploiter toutes les possibilités qu’ils sont en droit d’attendre d’un tel outil : l’amélioration de la qualité des soins et la sécurisation de ceux-ci, l’amélioration de l’accessibilité et de la transmission de l’information.
Compléter, ancrer et animer ce qui a été initié
Si la valeur ajoutée du DPI n’est plus à démontrer, il convient néanmoins de garder la dynamique des premiers temps et de faire en sorte que les projets de déploiement de DPI soient pleinement accomplis pour en tirer tous les gains attendus, tout en ayant la souplesse nécessaire pour tenir compte des nouvelles attentes et priorités des professionnels de santé.
Achever le déploiement d’un DPI au sein de son établissement, projet majeur s’il en est, n’est qu’une première étape. S’assurer de l’adhésion des utilisateurs quant à son usage au quotidien, le pérenniser comme outil clé au service des patients, le faire évoluer régulièrement, et en faire un canal privilégié de partage d’informations intra et extra établissement sont des objectifs tout aussi importants.
La stratégie de transformation du système de santé MaSanté 2022, dont l’un des dix chantiers vise à accélérer le virage numérique du monde de la santé en France est l’occasion idéale de redonner ce second souffle aux établissements et aux équipes projets DPI. Les orientations identifiées et la feuille de route qui en découle posent le cadre et contribuent aux moyens nécessaires aux établissements de santé pour finaliser, fiabiliser et assurer l’informatisation complète de leurs dossiers patients, ainsi que leur intégration complète au sein du SIH.
C’est un nouvel élan pour compléter les chantiers devant favoriser les échanges d’informations au-delà du seul établissement ou groupe d’établissements, notamment dans le contexte des Groupements Hospitaliers de Territoire créés en 2016, impliquant ainsi l’ensemble des acteurs de la ville et de l’hôpital, intervenant dans la prise en charge et le suivi d’un patient.
Le Dossier Médical Partagé (DMP), à la main du patient et alimenté par les différents DPI en fonction de des événements médicaux est l’un des socles de l’information médicale du patient dans la stratégie MaSanté2022 : l’automatisation de son alimentation est l’une des évolutions majeures attendues, lorsque cela n’est pas encore en place, de ces projets DPI « nouvelle saison ».
Enfin, c’est l’opportunité pour les Directions des Systèmes d’Informations, appuyées par les Directions Générales et les sponsors des projets DPI de garder la dynamique des projets de déploiement et d’accompagner les différents métiers dans l’usage du DPI, et plus généralement de l’outil informatique en support de leurs activités.
L’heure n’est pas à la démobilisation, bien au contraire.
C’est donc une nouvelle période riche dans laquelle les établissements de santé et l’ensemble des acteurs concernés dans la prise en charge des patients se trouvent. Celle-ci est une formidable opportunité qui s’offre aux équipes projets d’asseoir définitivement le DPI comme outil majeur auprès des soignants, pour que ceux-ci continuent d’exercer le plus beau métier du monde, au service des patients. N’hésitons plus et finissons ce qui a été commencé !